L’Érosion Du Temps

À travers les carcasses de mes illusions cent fois trahies, je suis à la fois juge et cruel parti.
Genoux au sol, je mens à hauteur d’homme, priant parfois à mots couverts,
cantiques sans âme aux tonalités clair-obscur, mes sens doutent et mon coeur redoute,
devenu vipère sans être serpent. Je me suis noyé en eaux peu profondes,
à m’offrir sans balises, être de chair et à contre-courant.

J’ai aimé une femme, qui se voulait ma muse, putain de soie et figurine de verre.
Les mensonges ne sont pas toujours revêtus des habits de la nuit et des couleurs
que l’on voit ou aimerait croire. Alors que l’on ferme les yeux sur un monde à rebours,
l’honnêteté n’a de vrai que la symétrie affective qu’on y engage.
Alors que la prose, elle, ne peut mentir par sa forme et son discours,
elle n’est en fait qu’administrative d’émotions étiolées à l’usure de nos rêves et désillusions.
Dénaturé par les pieds maculés qui le portent et par le cerceau doré qui le ceinture,
l’amour est un chien mort avec qui disparaît l’allégorie de la foi qu’on nourrit au quotidien,
laissant place au désir d’une fuite sans départ et à l’envie assumée de se faire du mal…
à soi, plutôt qu’au sien.

J’ai eu beau marcher à travers les oliviers en fleurs et connaître des moments
de profonds soupirs, il n’en demeure pas moins qu’une fois brisé, le sceau du chagrin
ne peut laisser place aux morsures profondes que les traces que l’on laisse parfois au sol
après nous être perdu sous le soleil haletant d’une passion sans issue et sans retour.
Comme à un frère à qui l’on cache l’existence de ses enfants, à un père qui se meurt
d’un ennemi sans pudeur et sans remords, l’espoir est un figurant dans la cour des gens
sans histoire et sans lendemain. Seul, devant la pierre taillée au nom qu’il m’aura pourtant
au premier jour offert, nous demeurons malgré tout à jamais étrangers, unis par le sang
et par la finalité des choses… je ne suis ni fils, ni frère…

Est-ce la douleur qui se veut si acerbe ou le verbe saoulé des écueils d’un désespoir
sans visage qui me donne à cracher sans détour à la face de ces souvenirs parsemés
de couleurs, rejetés si souvent, et qu’au moment de m’y épancher me fait défaut
si douloureusement… une fois, encore? Alors qu’au matin sans chaleur, je me questionne
à savoir, que nous reste-t-il véritablement, si ce n’est que le regret du parfum des jours
et cette courtisane érosion du temps…

Paroles: A. Foster
Musique: A. Foster, B. Lemelin
Enregistré au studio « The Upper Room »