From A Spark To A Song –
Turn The Dirt Over

3. « Turn The Dirt Over »

Peu importe à quel point j’aurais aimé préserver les gens que j’ai tellement aimé de ma peine, peu importe à quel point j’aurais combattu afin de garder mon ornementale couronne faite de vulnérabilité à l’abri des abusifs jugements de mes accusateurs, peu importe à quel point j’aurais aimé pouvoir nier ma résignation auto-imposée et le fatalisme amer de ma propre personne découragée, je savais, en quelque sorte, que tout aussi longtemps que je pourrais voir la lumière du matin, tout aussi longtemps que je pourrais sentir la brise de l’aube, je savais que je ne pourrais me cacher. Je serais incapable de me battre, incapable de nier. Je savais… Je savais que je pourrais étancher mon esprit endeuillé dans la lumière épiphanique de chaque aube nouvelle, que peu importe les illusions dont je me nourrissais, j’immergerais mes afflictions dans cette abondance de grâce, je submergerais la mélancolie que je m’étais moi-même imposé dans cette indulgence infinie d’amour et de grâce. Je savais… Tout comme je savais que j’étais en train de passer de l’autre côté du miroir, ce même côté où l’on devient la réflexion sans âme de quelqu’un qu’il est désormais impossible de reconnaître et où il est impossible de différencier la réalité de ses propres engouements délusoires.

Peu importe combien j’aurais essayé de rejeter cette vérité fondamentale, je savais que je devais lâcher prise afin « d’être », que je devais mourir à mon confort illusoire et à mes faire-croires astreignants afin de « me comporter » sur la base « d’être », que je devais être vrai face à moi-même et ma nature rachetée afin « d’assumer » les « comportements » de quelqu’un qui « est », que je devais exposer le moi désormais pardonné si je voulais « partager », et surtout, que je devais me pardonner moi-même et les autres afin de pouvoir communier. Il était donc temps pour moi, comme les premières paroles de la chanson « Turn The Dirt Over » le disent, de m’approcher du cadre de la fenêtre et, ne serait-ce que pour un bref instant, de regarder à l’extérieur. Aussi momentané puisse ce regard être, et peu importe ce dont il serait témoin, ce serait l’étincelle de réalité dont j’avais besoin pour traverser l’essence obscurcie de mon existence personnelle confuse, de ma flamboyante vie publique trompeuse. »

——

Il y a des mots et des sonorités qui sont si honnêtes qu’ils touchent profondément le coeur et l’âme, nous bouleversant d’une façon si pure qu’ils délivrent anciennes contraintes et émotions répudiées de nos endroits les plus secrets… cet espace interdit où les souvenirs douloureux et impardonnés demeurent cachés du coeur et étrangers à l’âme, sentiments oubliés desquels émergent à l’improviste une toute nouvelle palette d’émotions authentiques et véritables, desquels même les sens les plus niés en sont disculpés, libérés et consumés. Rachetées et libérées dans une réconciliation sacramentaire, les culpabilités du passé, la honte de notre refus personnel du présent et la quasi-abscence de notre foi en une quelconque absolution future, comme si l’implacable nature du temps perdait tranquillement sa poigne ferme sur nos rêves depuis longtemps abandonnés. Comme si les ombres illusoires de notre stoïcisme condamné et de notre fatalisme imposé était soudainement étiolées par une invitation à ouvrir les volets et à voir la lumière en pleine floraison. Comme si, en quelque sorte, nous étions prêts à accepter la nature de l’invisible et à embrasser son unique palette de couleurs luminescentes donnant vie à l’incarnation d’une aube nouvelle sur le point d’éclore, nous élevant de notre mort spirituelle consciente, absolus sans mérite aucun de notre manque de foi et de notre incrédulité. Imparfaits de toutes les façons possibles, mais complètement sanctifiés. Et donc libres…

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Cette notion spirituelle de pardon, de rédemption, d’absolution et de liberté a toujours été une méditation et une contemplation qui a embaumé mes pensées et absorbé mes réflexions pour la majorité de ma vie, pour plusieurs raisons. J’imagine que l’impact d’avoir à secrètement survivre à un viol étant enfant est une des raisons principales et que les comportements auto-destructifs qui s’en sont suivis en tant que jeune adulte en est une autre. J’ai toujours été fasciné par les gens qui avaient trouvé une paix intérieure ou encore qui étaient capables de vivre selon un certain degré de plénitude personnelle. Entre les sévères problèmes d’alcoolisme de mon père et les tentatives désespérées de ma mère pour m’offrir une quelconque stabilité affective, je n’avais pas beaucoup à regarder à étant enfant. Déménagement d’un appartement médiocre à un autre, je n’avais pas beaucoup à espérer pour non plus. Le silence amer est devenu un ami et le fatalisme ravageur un compagnon. J’ai donc grandi en cherchant et en aspirant à plus, seulement pour rencontrer plus de charlatans vendeurs « d’amour » qui essayaient d’imiter une sérénité compassionnée en faisant étalage d’une mascarade religieuse que quiconque. Les déceptions étant le premier pas vers la résignation, j’en suis ultimement venu à croire que j’avais tout vu, tout entendu. J’ai renoncé et abandonné, acceptant ainsi que peu importe ce pour quoi je cherchais, je ne le trouverais jamais. Ce qui résulterait, en grande finale, à ne jamais expérimenter la paix intérieure, à ne jamais vivre ce degré de plénitude que j’avais toujours voulu obtenir.

Je ne trouverais jamais quoi que ce soit qui puisse offrir à mes souffrances un soulagement de cette amertume et de toute cette rage qui grandissaient violemment à l’intérieur de moi. Et elles ont grandi, tout comme j’ai grandi. Ayant appris que le temps demeure en suspension lorsqu’on veut réduire en cendres son coeur et son âme, j’ai décidé à contrecoeur d’accepter les choses sur lesquelles je n’aurais jamais le contrôle et décidé avec peu d’enthousiasme de cacher tout le reste si profondément que j’oublierais tout – ou du moins je l’espérais. Je n’étais pas libre, loin de là. Plutôt en mauvais état, à peine vivant… mais c’était la vie. La vie comme je l’avais toujours connue. Interrompue. Pour toutes les saisons qui ont suivi, elles semblaient toutes aussi nombreuses que les différents tournants de vie que je vivrais par la suite. Jusqu’à ce que je me retrouve à la tête d’un groupe de musique international, qui est devenu le parfait alibi pour quelqu’un qui s’était perdu il y longtemps.

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D’aussi loin que je puisse me rappeller, j’ai toujours lu. J’ai toujours eu un livre en mains. J’ai toujours été attiré par les mots, leurs différentes sonorités, leurs couleurs éclatantes, leurs odeurs multiples, leur capacité à redéfinir le monde et ainsi son histoire, tout comme j’ai toujours été attiré par leurs facultés de donner vie à un endroit jamais vu auparavant et par leur habileté à nous laisser incarner des émotions que l’on s’est refusé d’admettre et de vivre. Ce qui, j’imagine, pour un enfant qui a été témoin des tentatives de suicide de ses parents et qui croyait que la violence conjugale était une norme, était la parfaite façon de se créer un endroit secret où se cacher. Les mots avaient cette capacité.

Sans surprise, avec chaque artiste qui a véritablement touché mon coeur et mon âme, tout a commencé avec un mot (un titre d’album), un paysage émotionnel (l’art de l’album), et une vision (une chanson). Même si je ne me souviens pas véritablement comment j’ai découvert le groupe « Sea Wolf », je me souviens très clairement que c’est le nom du groupe qui a capturé mon imagination. Il m’a ramené tout droit à l’un de mes auteurs favoris de tous les temps, l’activiste socialiste américain Jack London, dont « The Sea Wolf » demeure l’un de ses écrits les plus connus. Dont les livres « White Fang » et « The Call Of The Wild » ont non seulement marqué mon enfance, mais m’ont aussi grandement inspiré à continuer d’avancer en dépit de la vie violente et amorphe dans laquelle j’ai dû grandir étant enfant. Quand j’ai vu le nom « Sea Wolf », j’ai immédiatement voulu entendre ce dont retournait cet artiste. Ce que j’y ai trouvé était incroyable, mais ce que j’ai ressenti était surprenant, puisque les références à la spiritualité faites par Alex Brown Church étaient vraiment attirantes pour moi… C’était en octobre 2007 que j’ai entendu le premier album de Sea Wolf, « Leaves In The River ». C’était plus ou moins au même moment où je suis revenu d’une tournée européenne avec Your Favorite Enemies, et quelques semaines seulement avant que ma vie, telle que j’avais pu la construire jusque là, s’écroule sur sa propre charpente illusoire, me laissant avec un coeur brisé, la trahison d’un ami cher, une noirceur émotionnelle et une dépression spirituelle lente et agonisante.

Les chansons « Black Dirt » et « The Cold, The Dark and The Silence » de Sea Wolf sont soudainement devenues les hymnes de l’anéantissement de mon innocence de jeune adulte. Ce serait la dernière fois que je dirais instinctivement « toujours » et que je ne mesurerais pas l’implication nécessaire avant de m’offrir. Et tout simplement, tout comme des années auparavant, j’ai eu à survivre secrètement à la sombre tragédie de ma foi perdue. Cette fois, contrairement au silence dans lequel je me suis immergé suite au viol que j’ai subi, je devais vivre sous un oeil public scrutateur. Interrompu. Tout comme les saisons qui ont suivi. Encore une fois, la vie… telle que je l’avais toujours connue. Même essence, différent scénario. L’artiste que j’étais est devenu l’homme que je détestais être…

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Au coeur d’une multitude dont j’étais en charge par fatalité des choses et dont j’étais responsable de toutes les façons possibles, j’ai réussi à survivre à mon désespoir, non sans payer le cher prix du jugement des autres et de l’auto-flagellation infligée par l’impression d’être un échec total à mes propres yeux… exister au lieu de vivre…

Je ne m’attendais pas à ce que demain soit meilleur. J’avais perdu la volonté de vivre et le désir de savoir. Et en quelque sorte, la vie semblait plus facile en tant qu’âme morte, vivante par l’incarnation qu’elle faisait d’une joie profonde. J’étais un jeune artiste plein de talent, mais profondément vide, incroyablement béni, mais irrémédiablement sans espoir. Je ne me préoccupais de rien véritablement, si ce n’était des gens autour de moi, acceptant ainsi d’être blâmé pour des histoires que je n’avais jamais écrites et piétiné par l’ombre de ces mêmes lâches. Je n’avais pas peur de souffrir. J’étais mort, pensais-je, alors à quoi bon se tracasser. J’étais épuisé et reclus dans le désespoir. C’était l’automne 2009 à ce temps, ou bien c’était plutôt ce que je croyais, car j’étais en fait si perdu que je ne réalisais pas que c’était véritablement le printemps en 2010.
Mais tel un clown qu’on dépoussière en le sortant du placard pour lui permettre de faire son numéro dans le seul et unique but de divertir, j’ai continué à faire ce pour quoi j’étais « appelé » et que les autres « s’attendaient » à ce que je fasse. Confus, complètement désorienté et gravement malade. J’étais un fantôme répugnant vivant dans l’immensité d’un endroit où les gens ne pouvaient m’atteindre, ne serait-ce que pour quelques-uns qui auraient même daigné essayer. J’étais tristement inatteignable.

En fait, il me semblait que la vie possédait tout de même un dernier, un fragile morceau de lumière, scintillant pour me permettre de croire en un quelconque salut émotionnel. Un seul, dernier morceau d’espoir reluisant au coeur du désert de mon lent suicide. Un dernier, délicat zéphyr soufflant paisiblement sur mon coeur désespéré me permettant d’envisager des couleurs au-delà de l’horizon de ma propre achromatopsie. Toutes ironiquement incarnées par un vieux labrador noir nommé « Shadow », un compagnon fidèle qui honorait son engagement à protéger son maître démoli. J’aimais ce chien. Je l’ai adopté alors qu’elle avait 5 ans. Elle avait été laissée pour morte par une famille qui avait de plus grandes préoccupations ou trop peu d’amour à donner pour s’occuper d’elle. J’ai toujours aimé le paradoxe de nos existences similaires. Nous n’avions jamais été assez aisés financièrement ni assez stables pour avoir un chien lorsque j’étais jeune. Être enfant unique dans une famille en difficulté financière et troublée émotionnellement n’a jamais été facile. Je suis immédiatement devenu amoureux de Shadow. Les souvenirs les plus fabuleux de ma vie sont ceux partagés avec elle. Quelques années plus tard, elle mourait dans mes bras. Elle est morte de la façon la plus cruelle… Elle a combattu des heures durant et malgré les prières que j’ai faites pour la sauver, elle devait quitter. Je devais la laisser quitter. C’était tard en hiver 2009, ou tôt au printemps 2010. Je me suis réveillé quelque part à l’automne 2010. Ce qui s’est passé entre l’hiver 2009 ou le printemps 2010 et l’automne 2010 demeure complètement absent de mes souvenirs. Un peu comme si je m’étais laissé me noyer, je me suis volatilisé dans mon propre monde et suis devenu absent de la réalité. Interrompu. Comme toutes les saisons qui ont suivi. Encore une fois, la vie… telle que je l’avais toujours connue. Jusqu’à ce que je trouve ce qui avait été oublié il y a longtemps et pour quoi je ne cherchais plus…

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Je me suis éveillé. Encore confus mais étrangement lucide, comme si j’étais soudain conscient d’être éveillé. Je n’ai pas dit grand chose, comme on me l’a enseigné. Un jour. Comme si j’avais quitté la veille. Je me suis simplement assis à la table avec tout le monde. Je n’ai pas remarqué la consternation de ce qui me semblait un comportement naturel à l’époque. Les gens m’ont vu assis à ce même endroit, jouant mon rôle, mais j’imagine que je n’avais pas tout à fait l’air d’être le même… Je n’ai pas vraiment parlé depuis le départ de mon chien Shadow. Certains ont du se demander si j’allais parler à nouveau. Oh, j’ai parlé pendant cette période de grande noirceur; devoir du clown en chef, je suppose. Mais je n’ai jamais véritablement dit quoi que ce soit. Quoi que ce soit qui vaille la peine d’être dit. J’étais là, assis. Silencieux. Je trouvais que juillet était plutôt froid. Mais en fait, pas vraiment, puisqu’on était à la fin de septembre… Je me suis éveillé à la recherche d’un été depuis longtemps disparu et me demandant ce qui était advenu de mon propre hiver.

J’étais sur le point de subir une délicate chirurgie, une fois de plus. J’ai passé la majorité de mon enfance dans les hôpitaux, et le reste de ma vie à combattre armé d’un système immunitaire faible. Alors ce n’était qu’une autre chirurgie parmi tant d’autres. Je ne me souvenais même pas que j’avais une tumeur cancéreuse qui devait être enlevée. J’imagine que j’étais trop heureux à l’idée de mourir de cause naturelle lorsque j’ai reçu le diagnostic quelques mois auparavant que l’idée même de la tumeur m’importait peu, nouvelle que j’ai supposément reçue un an avant l’opération. Je n’ai pas bronché. « Peu importe », pensais-je. « On ne peut pas tuer quelqu’un qui est mort depuis toujours » ai-je ri intérieurement. « Si seulement je l’étais » ai-je soupiré. Je ne l’étais définitivement pas. Surtout pas en ce froid matin de septembre. J’étais en vie, voire serein. Pas en paix, mais serein, comme si j’étais soulagé, non pas de subir une chirurgie, pas à propos de ma santé, pas à propos de la conception de littéralement mourir. Non. Simplement soulagé. Comme s’il en retournait de moi pour me réveiller. Comme si pour une fois, ça faisait du sens. Pour la première fois de ma vie, je n’étais pas amer. Je n’étais pas enragé. Je n’étais pas vide. J’étais… simplement. J’étais. Comme si j’avais réalisé que, après toutes ces années à avoir été brisé pour ce que j’avais perdu et ce qui m’avait été arraché, cet état de dénudation était un gain et non une tragédie qui me gardait pieds et mains liés. Le viol de mon enfance, mon désir de trouver la paix, les mensonges de ma copine, la trahison de mon meilleur ami, les ambitions de ma carrière, la mort de mon chien bien-aimé, ma santé fragile, mon futur, pour n’en nommer que quelques-uns… Tous, disparus… J’en étais dépossédé… libre. De la sérénité de tout perdre jusqu’à la rédemption de lâcher prise. Pour la première fois de ma vie, profondément en paix, par manque de meilleure compréhension ou de meilleure explication, je me sentais libre d’être. Prêt à agir de la sorte. Consentant à assumer les actions rattachées à être. Désireux de partager et de communier en me pardonnant moi-même et en pardonnant les autres. Libre. Alors que le chirurgien me demandait si j’étais inquiet avant de procéder à l’anesthésie complète nécessaire à l’ablation de ma tumeur, j’ai simplement souri et dit: « Je ne suis plus inquiet, je suis prêt ». Le chirurgien s’est retourné vers l’anesthésiste et a dit: « je n’ai jamais vu quelqu’un être aussi en paix »… Quelques moments plus tard, je m’endormais. Dormant, encore. Suspendu dans le temps. Interrompu. Comme toutes les saisons qui ont suivi. Encore une fois, la vie… telle que je l’avais toujours connue. Mais en quelque sorte, rempli d’une façon telle que je ne l’avais jamais été; libre.

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Pour quelques uns d’entre nous, « Vague Souvenir » est venu comme un spectre sorti tout droit du passé. Après des années de désolation, 2011 a gardé ses promesses, celles-là même auxquelles nous ne croyions plus vraiment. Mais ces promesses ont révélé leurs véritables bénédictions, et le temps que nous avons eu tous ensemble est venu comme une véritable bénédiction, à tous points de vue. L’idée de ressortir les ombres du passé n’était pas exactement ce que les autres membres du groupe avaient en tête. « Pourquoi regarder derrière », ont dit certains. « Pourquoi ne laissons-nous pas les morts enterrer leurs morts, passons à autre chose », ont ajouté d’autres. « Nous sommes un groupe rock, Alex. Nous avons déjà expérimenté ça, laissons le passé derrière nous. Laisse tomber… Tout ça doit reposer en paix ». Et ainsi de suite… Les voix les plus fortes provenaient par contre de ceux qui ne disaient mot, inquiets pas tant pour le groupe que pour moi, pour mon coeur et mon âme, l’idée même de me perdre à nouveau étant un sujet difficile à aborder. Depuis, ces années sont toujours demeurées un sujet tabou entre nous. Et je savais, je savais à quel point tout le monde était inquiet à mon sujet, je connaissais tous les sacrifices qu’ils avaient fait afin de me supporter. Je savais que ça n’avait rien à voir avec le groupe, ni notre carrière. Nous avons été ensemble pour ce qui semble l’éternité; nous savons comment parler sans dire quoi que ce soit, sans confesser mot. Autant les inquiétudes étaient à propos de moi, de mon coeur et mon âme, autant tous craignaient de me voir me noyer dans le désespoir une fois de plus, je savais que si c’était à propos de moi, pour moi, pour mon coeur et mon âme, je savais profondément que je voulais que ce projet voit le jour. Je voulais incarner un projet aussi intime et personnel. Être. Agir. Assumer. Partager. Communier. Laisser la liberté s’élever. Et pour ça, je prévoyais un enregistrement live de l’album. Imparfait… vrai et honnête… dénudé de tous les éléments artificiels des clônes musicaux d’aujourd’hui. Ça devait être fait. Et je croyais fermement que je devais le faire.

Briser ces tabous n’est pas chose facile. Mais je suis parvenu à expliquer aux autres membres du groupe et aux gens de l’équipe que « Vague Souvenir » était aussi légitime que pertinent. Que ce n’était pas à propos de faire la paix avec le passé; je pourrais ne jamais être en paix face au passé. Que ce n’était pas à propos de pardonner et d’être pardonné; je pourrais ne jamais comprendre la profonde dimension de ce qu’est pardonner et être pardonné. Que ce n’était pas à propos de revisiter ces épouvantables émotions du passé pour les tourner en réjouissance; je ne serais peut-être jamais libre de ces émotions. Que ce n’était pas à propos de briser le cycle d’une existence fataliste plutôt qu’une liberté véritable. C’était à propos de partager. C’était à propos de communier. Ce n’était pas à propos de ce qui faisait supposément du sens. Pour moi, tout faisait son sens. Et pour la première fois depuis des lunes, c’était à propos de dire instinctivement « toujours » sans mesurer l’implication nécessaire avant de m’offrir. C’était à propos de vivre le moment.

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Nous sommes à la fin de septembre 2012, quelques mois après la sortie officielle de « Vague Souvenir ». Ce fut un voyage émotionnel au bout de la nuit pour certains, et bien au-delà des couleurs de l’aube pour d’autres…

Je suis en train de me préparer affectivement pour la production de notre prochain projet musical, qui paraîtra dans la prochaine année. Mais avant, il m’a été demandé pour le projet spécial de blog « From A Spark To A Song » d’écrire à propos des chansons sur « Vague Souvenir », les raisons derrière leurs choix, les histoires sous leur incarnation, les différentes émotions et les non-dits. Au début, je n’ai pas voulu le faire, comme je croyais que les chansons font partie d’une communion entre chacun de nous. Mais si j’ai finalement accepté cette invitation à écrire à propos des chansons, c’est parce qu’il n’y avait aucune règle, aucune marche à suivre, aucune limite. J’ai eu la liberté de partager sous mes propres conditions, comme je viens de le faire pour « Turn The Dirt Over ». Une histoire désorientée, sans forme évidente, sans cohésion apparente. Parce que ce qui m’a donné le désir d’incarner cette chanson était son implication intime, l’implication des mots et des sons, du parfum qu’elle leur donnait, de la vision qu’elle me donnait, et comment elle m’a permis de toucher l’invisible… Je voulais partager cette proximité.

Tout comme les émotions qui sont nées de « Turn The Dirt Over », sa nature même représente un des moments les plus significatifs de ma vie. Une invitation à « aller plus près du cadre de la fenêtre ». Car s’il n’y a qu’une seule chose dont je me souviens, à peine seulement, de la sombre période de dépression qui a eu lieu tard à l’automne ou tôt au printemps 2010 et tard à l’automne 2010, c’est que j’ai écouté l’album « White Water, White Bloom » de Sea Wolf, qui contient la chanson « Turn The Dirt Over » à plusieurs reprises…

——

Alors que le temps va si vite, les souvenirs sont les meilleurs auteurs, car ils possèdent la capacité de réécrire notre propre monde intime et son histoire, de changer la sonorité de nos souvenirs, d’offrir une nuance différente aux couleurs que l’on connait si bien, de redéfinir les parfums de ces odeurs qui nous sont familières, de modifier la vision des endroits où l’on croyait s’être établi, modifier la nature de nos différentes sensations tactiles… Et c’est pour ça que je sais que si je relis ce blog, je risque de trouver que certaines parties ne font aucun sens. Que j’ai mélangé toutes les dates. Que les histoires n’ont aucune logique. Que les mots sont fourchus. Mais à la fin, ce qui reste ne sont pas les mots; j’ai découvert que les mots ne sont pas la chose la plus précieuse que l’on a à offrir. Non, ce qui reste de tous ces mots est la liberté d’être, d’agir, d’assumer, de partager et de communier. Alors que nous « ouvrons les volets pour voir la lumière de la lune réfléchie sur la neige ». Alors que l’on voit notre propre réflexion dans la pénombre. Un moment. Interrompu. Comme toutes les saisons qui ont suivi. Encore une fois, la vie… telle que je l’avais toujours connue. Imparfaite dans tous les sens possible du terme, mais rachetée par l’amour… et ainsi libre.


« J’aimerais mieux être cendre que poussière.
J’aimerais mieux que mon étincelle brûle avec une brillante flamme,
plutôt qu’elle soit étouffée par la sécheresse de la pourriture,
j’aimerais mieux être un superbe météore,
chacun de mes atomes irradiant d’un magnifique éclat,
plutôt qu’une planète endormie.
La fonction propre de l’homme est de vivre, non d’exister.
Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie.
Je veux brûler tout mon temps. »*
— Jack London

*Certains érudits et biographes de Jack London ne s’entendent pas sur l’authenticité de cette dernière citation comme étant véritablement de Jack London, mais comme ces mots reflètent la façon dont il a toujours mené sa vie, je crois que chaque mot demeure pertinent, peu importe qui les a écrits ou dits.

(Traduit de l’anglais par Stéphanie)

Comments (6)

  • Juliette

    |

    Il m’a fallu du temps pour écrire à propos de ce blog d’Alex. Pourtant je ne l’ai pas lu des milliers de fois, 2, peut-être 3. Mais ça a été suffisant pour me bouleverser pendant plusieurs jours, des premiers émois du début aux questionnements personnels, en passant par le dernier lâcher prise de la fin. Parce que ce que tu partages, Alex, est intense et profond. C’est ta vie, ton histoire, ta façon de l’avoir vécu et tes mots qui l’écrivent.

    Que puis-je moi-même en retirer ou en dire ? Il nous a ouvert une porte sur ton coeur et tes pensées. Te voir après ça était différent, et pourtant, tu restes le même, avec ce passé qui t’a construit et le futur à venir en vivant pleinement le présent. Quelle porte a-t-il ouverte en moi ? Être vrai, vivre le moment, apprendre à aimer et laisser les autres m’aimer aussi, pour ce que je suis, pour ce qu’il en est.

    « Être. Agir. Assumer. Partager. Communier. Laisser la liberté s’élever. »… des mots que j’apprends moi-même à saisir.

    « Encore une fois, la vie… telle que je l’avais toujours connue. Imparfaite dans tous les sens possible du terme, mais rachetée par l’amour… et ainsi libre. « …

    Reply

  • Laetitia

    |

    un si beau partage a travers ce que vous ecrivez, nous racontez ce que vous viviez, on peut se reconnaitre! j’aime beaucoup cette phrase « Il y a des mots et des sonorités qui sont si honnêtes qu’ils touchent profondément le coeur et l’âme, nous bouleversant d’une façon si pure qu’ils délivrent anciennes contraintes et émotions répudiées de nos endroits les plus secrets »
    Je decouvre a chaque fois, que Val m’envoi un mail! C’est un reel bonheur de voir que vous faisiez une si belle famille!
    Bravo pour tout
    Laetitiia

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    • Valérie

      |

      Merci énormément pour ce commentaire Laetitia !

      Je crois que nous avons tous l’opportunité de raconter notre propre histoire. Ton histoire et ce que tu nous partages peut aussi être très touchant pour d’autres. Tu fais aussi partie de cette grande famille ! C’est un bonheur pour moi de pouvoir te parler régulièrement !

      Merci d’être toi !

      Valérie xxx

      Reply

  • Valérie

    |

    Même si ça fait quelques années que je te connais, de lire chacun de tes blogs m’amène à te connaitre plus en profondeur et à te découvrir. Je serais toujours inspirée par le courage qui t’accompagne depuis toujours. Le courage de prendre des décisions et le courage d’affronter les défis qui se présentent en avant. Oui, j’étais là durant toutes ces années mais trop occupée dans mes propres illusions. Rester dans l’ombre et vivre ce refus du présent comme tu parles faisait partie de ma vie. Alors je ne savais pas ce que c’était de prendre de vraies décisions. J’étais quelque peu perdue lol Je préférais rester dans ce que je connaissais…mes vieilles bonnes illusions, les mensonges et la tricherie. Cette chanson m’a tellement encouragée à continuer de foncer vers la lumière en laissant derrière mon passé, à ouvrir mes yeux à ce qui se passe autour et surtout aux gens qui m’entourent. C’était facile d’exister pour moi mais je n’étais pas libre, j’ignorais ce que c’était de vivre. La vie crée la vie et tu as toujours été là depuis toutes ces années. Un frère à mes côtés qui a été très souvent été une lueur qui m’a poussée vers cette lumière. Je suis bénie d’avoir un frère comme toi !

    Reply

  • Max

    |

    Ton sourire n’aura plus la même valeur à mes yeux!

    C’est ce que je peux dire qui s’approchait le plus de ce qui m’habite… J’ai relu le blog plusieurs fois! Et j’y ai tellement pensé!
    Un sourire de décisions…

    Merci pour le coeur que tu as Alex!
    Et merci à ceux qui ont pu t’entourer pendant ces années de grandes noirceurs… car bien qu’à tes côtés, je n’ai su être ce compagnon… bien au contraire même…

    Mais aujourd’hui, je suis content de découvrir ce que c’est que d’avoir un frère… avoir DES frères… et en être un
    De goûter à ce que c’est de faire confiance et aller de l’avant… même si le chemin semble sombre… Faire confiance
    D’apprendre à pardonner et être pardonné!
    Et de décider, tout comme tu le fais, de suivre le chemin dans lequel on s’est engagé… avec tout ce que ça implique… Parce qu’on sait que c’est le chemin qu’on doit emprunter!
    Parce qu’à travers les doutes qui peuvent nous tourmenter, seule la foi nous donne une assurance bien au-delà de ce qu’on peut ressentir!

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  • Sandra

    |

    Je ne peux compter le nombre d’années que je te connais Alex. Et je suis tellement heureuse que tu sois enfin dans cette saison qui te fait goûter à cette paix et cette liberté réelles. Les mots qui décrivent mon cœur face à ce blog et cette chanson que j’aime énormément sont ceux écrits par Jack London: « La fonction propre de l’homme est de vivre, non d’exister ». Et dans les mots d’Alex… nous avons la liberté d’être, d’agir, d’assumer, de partager et de communier. Pendant cette période durant laquelle tu disais « exister », moi également je ne faisais qu’exister et ce pendant plusieurs années. Mais tu as su déposer malgré tout en moi cette notion de vivre en m’accueuillant avec amour et avec compréhension. Nous étions comme deux oiseaux aux ailes brisées qui volaient dans le même ciel. Tu as su être quand même là pour moi dans une période de ma vie où moi aussi j’ai été trahie et abandonnée. Sous le même toit où tu y as vécu cette dépression, moi j’y ai trouvé un refuge, une maison, mes premiers amis aussi…4 autres ami(e)s apprenant à vivre aussi. Connaissant ton affection et attachement à Shadow, cette partie du blog a touché mon cœur. Non pas que tu as oublié ton amie fidèle mais de voir la beauté de tes ailes touchant maintenant les nôtres, n’étant plus isolé cette fois. Maintenant tu n’es plus seul dans ta chambre mais tu te retrouves à composer et chanter dans la chambre haute, « The Upper Room », des chansons qui prennent racine dans nos cœurs une à une. Je suis touchée que nos ailes maintenant guéries ou en voie de guérison battent au même rythme, ensemble. Continue de voler comme je continue aussi de voler. Ce ciel est le nôtre. Autant qu’il nous aura été dérobé, autant nous sommes maintenant riches en amour, paix et liberté. Je t’aime Alex et je vous aime mes amis.

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